lundi 20 février 2012

La Mystérieuse Mme Je : Le moment de te dire « je t’aime »


Un pincement au cœur. Fort. Comme si on voulait te l’arracher, mais, pour te protéger, il s’étirait comme un élastique, bandé comme un arc, sur le bord d’éclater en infinis morceaux de verre soufflé… Mon cœur est fragile quoique élastique lorsqu’il le faut. Il le fallait, aujourd’hui et c’est en relaxant, là, seule devant mon écran, que je remarque à quel point ça m’a affecté.
Je l’ai senti dans sa voix… Elle est de retour à ce stade…
Je t’aime Madame Mom.

Journée assez conviviale au boulot ; les gens sont si gentils… La matière est très facile pour moi ; j’apprends très vite, je suis jeune encore –probablement la plus jeune employée, quoi !- et, de toute manière, je l’adore, la matière. La technologie, c’est mon truc. On a commencé la journée tranquillement avec une rencontre avec le syndicat. Rencontre qui nous a fait croire que le travail n’allait pas être aussi stricte que ce que nous croyions ; nous avions rencontré que les patrons avant ce matin, donc voilà quoi, la pression sur nos épaules s’est quelque peu allégée. Ensuite nous avons fini le module de l’Internet résidentielle. Nous avons commencé le module de la téléphonie par câble. Nous avons manqué d’Internet et j’ai trouvé cela bien comique ; les superviseurs et gestionnaires couraient partout comme des poules pas de têtes ! Nous avons pu continuer tout de même, car notre formateur, Monsieur Geekburn, a la bonne habitude de garder ses cours sur papier et pas seulement sur le net. Nous avons fait une petite guerre des clans et, malheureusement, mon équipe a perdue. C’était bien dommage. Je suis très compétitive… j’aurais aimé gagner ! Nous avons ensuite commencé un exercice sur l’ordinateur que nous n’avons pas pu terminer. Ensuite vint le temps de retourner chez moi…
Comme j’aurais aimé tout simplement travailler jusqu’au lendemain…
Je t’aime Madame Mom.

Je suis allée la visiter. C’est rare, je l’admets, mais je ne veux point la fatiguer. Je l’aime tant… Je sais que je parle beaucoup et qu’elle écoute parce qu’elle m’aime, même si cela la fatigue… comme je l’aime… La voilà, écroulée, sur le sol, gémissant. Moi qui croyais venir prendre soin des quatre chiens pour lui rendre service alors qu’elle dormait, j’ai eu une belle surprise… Belle… Comme les compliments peuvent avoir un double tranchant, parfois… Je l’ai bel et bien trouvée couchée. Sur le sol. Secouée de convulsions douloureuses. Couverte de sueur. Couverte d’écume. Vision d’horreur ? Terrifiante… et non pour l’esthétisme, mais bien pour ce que mon cœur a ressenti. Un choc, un coup en plein fouet, BANG, dans mon cœur. Il s’est mis à battre plus vite, tellement vite… Je suis allée chercher Mister Dad en criant sans le vouloir, paniquée. J’ai vite repris mes esprits et j’ai envoyé les chiens au salon, chiens qui voulaient qu’elle se sente mieux, qu’elle se lève et qu’elle joue avec eux. Le plus gros, le bouvier bernois, le petit bébé de Madame Mom lui a même déposé son jouet baveux en pleine figure, en pleine convulsions…
J’aurais aimé ne pas voir, mais en même temps… je suis contente.
Car je t’aime Madame Mom.

Mister Dad est arrivé à la course, ne sachant pas quoi faire. Il l’a regardée alors que moi, j’étais penchée sur son corps endoloris, si tendu qu’elle devrait avoir de l’acide lactique dans les muscles jusqu’à la semaine prochaine. Je lui tenais la main, lui flattais le dos, lui disais que tout allait bien se passer, qu’elle devait se relaxer, que j’étais là, que son mari était là, que nous l’aimions. « Son cas s’est empiré. » dit-il, comme si c’était important alors que je chassais notre chien aveugle inquiet de la situation. Tous les propriétaires de canins savent que ces petites créatures adorables sont extrêmement sensibles au ressentis de leur maître. Et là, ils le ressentaient, ils ressentaient ce mal viscéral qui grimpait sans cesse en cette pauvre dame qui n’a jamais rien demandé au monde, qui ne voulait que le bien de ses enfants. Ce mal qui grandissait de jour en jour, d’instant en instant, dans son pauvre corps faible et qui la détruisait de l’intérieur alors que rarement elle se plaignait. « Je vais aller chercher ses pilules. » ajouta-t-il, comme si cette remarque qui accompagnait le geste allait nous rassurer. Moi, c’était tout ce que j’attendais. Je ne savais pas du tout où ils cachaient ces cachets miracles. Je ne voulais pas vraiment le savoir non plus… Ne croyez pas que je n’aime pas Madame Mom ! C’est tout simplement une fuite, une fuite de ce mal qui l’habite jour et nuit. Une fuite, car mon âme est trop sensible et préfère oublier les maux de ce monde pour pouvoir continuer à survivre dans cet univers cruel.
Et moi, je te tenais la main, comme tu me tenais la main pour traverser la rue lorsque j’étais gamine.
Je t’aime Madame Mom.

Il revint avec le cachet, ne sachant que faire. Je le pris de ses mains, parlant toujours à ma mère encore et sans cesse prise de convulsions. Je la rassurais ; depuis notre arrivée, elle s’était assagie, mais souffrait toujours. Je lui demandai à mainte reprise si elle était capable de prendre sa pilule. Je lui demandai finalement d’ouvrir la bouche si elle en était capable et elle obtempéra. Je courus lui chercher un verre de son jus préféré en la rassurant que je revenais pour que ce soit plus facile à avaler. Je m’accroupis à nouveau au-dessus de son pauvre corps endoloris et lui glissai la paille entre les lèvres. Elle but et but ; après avoir eu si chaud, elle devait être assoiffée… Elle s’est ensuite mise à pleurer, ma pauvre Madame Mom… Cette femme si forte, bravant enfants malades et pauvreté, était réduite au stade d’une pauvre femme gravement malade. Cela était probablement pire que toutes les souffrances. Plus honteux que n’importe quel autre injuste, car ceci était une injustice. Ceci était la vie.
Je te donnerais ma santé sans hésiter…
Parce que je t’aime, Madame Mom.

Je la consolai, la gardai dans mes bras pendant un long moment, ne voulant pas la laisser, lui répétant que je l’aimais, que je l’aimerai toujours, que j’aime prendre soin d’elle et que ça me fait plaisir ; que c’est à mon tour de lui donner tout l’amour inconditionnel que je porte à son égard et de lui porter soin comme elle a fait durant toute ma vie. C’était à mon tour de donner. Pour mon âge et ce depuis plusieurs années, je suis mature. Très mature. Trop mature. Mature trop vite. Je ne veux pas perdre Madame Mom, car mon cœur partirait avec elle. Oh, certes, il guérirait, comme il a guérit de déjà toutes ces pertes. Quelque chose manquerait toutefois, il y aurait ce vide que nous ressentons tous lorsque cet amour inconditionnel ne peut plus se manifester en caresses, en bises, en « Je t’aime »…
Car oui, je t’aime et t’aimerai toujours…
Madame Mom.

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