dimanche 9 septembre 2012

La Mystérieuse Mme Je : J'ai découvert ce que goûte la défaite


J’ai découvert ce que goûtait la défaite. J’y ai toujours goûté, évidemment, mais je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus. Ma vie n’est qu’une énorme défaite dans laquelle je me perds, dans laquelle j’essaie de me retrouver, de trouver qui je suis réellement. Je ne veux pas être ce qu’on dit de moi. Je ne veux pas être celle que je dois être. J’aimerais simplement être moi. Pour moi. Je n’arrive pas à me trouver jolie pour ce que moi je trouve joli. Je n’arrive qu’à voir l’image d’une société déchue, s’étant écroulée sur elle-même, sous le poids du capitalisme et d’un masque superficiel.
J’ai découvert, en ce soir noir et sombre, en cette nuit sans vie, ce que goûte la défaite. Je l’ai découvert en remarquant que, malgré les innombrables essais de m’en convaincre autrement, je suis qu’une vile démone. Je ne sais pas ce que je veux. Je sais seulement que je peux utiliser mes atouts pour obtenir l’ombre de ce que je désire. Je suis un succube sans merci qui jette tous ceux qui me croisent à mes pieds. Je ne comprends même plus comment je le fais, mais je soumets tous ceux qui osent croiser mon regard. Je me mets à être une sale capitaliste qui n’assouvis jamais sa soif de pouvoir, de contrôle. Je deviens une vile capitaliste du monde des sentiments. Je veux ressentir autre chose que de la tristesse, que du désespoir. Je veux ressentir… alors je me jette dans d’éphémères relations. Je croque les hommes comme je croque les pommes cueillies fraîchement du verger. Ne vous demandez pas pourquoi je ne m’associe pas énormément aux femmes ; je n’ai pas autant de pouvoir sur elles. Je sais exactement quoi dire à qui veut bien l’entendre… J’étudie les gens et je me concentre sur les plus faibles, ceux dont la volonté est facile à manipuler, à briser sous mes ongles d’acier et de larmes.

Je ne me fais plus d’illusions. Je ne crois plus en l’amour ou au destin. Je ne me fais plus d’illusions. Je ne crois plus au destin ni en l’amour. Je dois me le répéter dans toutes les langues, de tous les sens possibles, car c’est une réalité bien difficile à accepter. Toute ma vie, ces deux préceptes de l’humanité étaient mes anges gardiens, les protecteurs de ma sérénité… mais depuis que j’ai perdu foi en l’humanité, j’ai perdu le Nord, j’ai perdu la Volonté. J’essaie de combler le vide qu’on m’a imposé, vide qui ne quitte plus mon être déchu… J’essaie de combler ce vide avec des biens matériaux, des sorties sans bon sens, des connaissances enchanteresses, des hommes au cœur d’or.

Je ne m’aime plus. Je ne me suis jamais aimée. Je n’aime surtout pas ce goût de guimauve brûlé sur ma langue, qui chauffe ma langue jusqu’au creux de mon bassin, qui me réchauffe tout entier en un énorme coup de chaleur qui me monte à la tête, qui m’étourdie, qui coupe toute sensation dans les extrémités. Je n’aime pas cette femme que je suis devenue. Je n’aime pas celle que j’aurais voulu être, celle qui a tant d’attention, qui a presque tout ce qu’elle veut, qui réussit à soutirer tout ce qu’elle souhaite des malheureux qui risquent de croire à ses belles paroles. Je ne veux pas être celle que je suis devenue, celle que je voulais être. Je retire mes paroles ; je veux être moi et personne d’autre ! Je veux réussir à sourire sans avoir besoin de forcer les 17 muscles de mon faciès pour faire croire aux gens que je suis heureuse, que tout va bien, que je les apprécie, que je les aime, que je ris de leur blague. Je veux avoir un vrai sourire, un véritable. Pas un sourire que je vais questionner un peu plus tard, lorsque la pénombre va s’être creusé un chemin vers mon cœur et l’aura atteint de plein fouet, cœur si faible et déjà en pièces piétinées par mon propre égo. Je veux sourire. Je veux sourire par moi-même pour pouvoir sourire par le cœur d’autrui.