Comment une
seule personne peut faire ressentir autant d’émotions mixtes en même temps à
une autre personne qui lui était chère ? Comment l’être humain fait-il pour
ressentir des émotions aussi fortes ? C’en est anormal. Vraiment. Je suis
anormale avec tous ces sentiments exagérés, cet impression d’être constamment
harcelée par mes sentiments beaucoup trop puissants pour que je puisse les
contrôler. Je suis toutefois assez intelligente pour ne pas m’ouvrir la gueule,
ces derniers temps. Je suis assez
intelligente pour ne pas parler de ce qui se passe avec moi qu’aux
professionnels de la santé mentale qui me suivent et Monsieur Inquiet, le
meilleur des amis. Qui me soutient énormément. Je suis si soulagée lors de nos
brève conversations à sens unique où je déballe mes sentiments et mes craintes
devant lui, me laissant dénudée de mes protections, vulnérable. Je ne veux
paraître vulnérable que devant lui, car il est bon et ne profitera pas de ma
douleur pour me manipuler. Il ne me violerait jamais dans ma solitude et mon
mal être. Oh, oui ! Je suis si mal à l’intérieur… J’aimerais croire que je ne
suis pas aussi brisée que je le suis réellement, je me fais des illusions, mais
se mentir à soi-même est montrer la vérité aux autres, car on a bien de la
difficulté à mentir aux autres alors qu’on se ment à soi-même, c’est évident.
Comment peut-on cacher l’incertitude derrières nos paroles lorsque nous ne les
croyons même pas nous-mêmes ? Peut-être est-ce parce que je suis trop faible,
présentement, que je suis incapable de cacher aux autres ce que je ne veux pas
voir moi-même…
Mais non.
Je suis forte. J’ai traversé cette période noire de mon existence et je suis
allée chercher l’aide dont j’avais besoin. J’ai mis au clair ce que j’avais à
dire avec les gens que j’aime et ceux que j’aime moins. J’ai repris de la
confiance dans ce qui s’est passé, j’ai remarqué que je n’étais peut-être pas
qu’un enfant après tout ce que j’ai vécu, mais bien une jeune femme blessée par
la vie, beaucoup trop sensible pour son propre bien. J’ai besoin de mûrir, de
me contrôler avant de pouvoir entreprendre une relation, quelle qu’elle soit. Je
sais que je ne me suis pas détachée de Monsieur Pretty Boy, que j’ai encore des
sentiments pour ce jeune homme si attirant, si doux à ses moments et si intéressant…
Je le sais. Je ne le veux pas puisque je me suis fait blesser, parce que je n’ai
plus de chance de toute manière, mais le cœur ne décide pas qui il aime ni
quand il sera remis de ce douloureux abandon. Aujourd’hui est un très bon
exemple de la douleur pure que je ressens lorsque je suis près de cette
personne qui était au faîte de la perfection. Pour moi, il était parfait. La
preuve que la perfection n’existe pas est qu’il m’ait blessée. Peu importe…
Je suis
nerveuse et ce depuis quelques jours ; je mange mal, j’ai d’atroces migraines,
je ne dors pas ou trop. Je ne me sens pas bien dans ma peau, comme si j’avais
envie de m’en débarrasser, comme si je voulais tout simplement plus la voir ni
la sentir. Je serais si bien sans cette peau… J’ai souvent l’impression qu’elle
m’enlaidit avec sa pâleur, son manque de vie. Qu’elle est opaque et matte, sans
rebondissement ou splendeur. J’ai toujours voulu être quelqu’un d’autre. Une
grande jeune femme aux longs cheveux blonds, aux yeux en amandes d’un azur
parfait, mince et aux formes voluptueuses. Je ne suis qu’une petite femme aux
cheveux châtains courts, aux yeux ronds verts, de taille moyenne. Si j’étais
mon modèle parfait de beauté, je serais aussi le modèle parfait de beauté de
plusieurs autres hommes. Comme Monsieur Pretty Boy. Je ne devrais pas le
mentionner trop souvent, je vais paraître encore énamourée de lui. Je suis tout
simplement en quête de mon cœur, retrouver tous les morceaux et le rapiécer. S’il
ne veut pas m’aider alors tant pis pour nous. Je sais que j’ai beaucoup à
donner, mais je sais aussi que je suis beaucoup de responsabilités à prendre.
Je ne suis pas une petite poupée parfaite avec laquelle on peut jouer tous les
jeux qui nous tentent. Non, je suis une petite poupée brisée et sombre qu’on
doit aimer et chérir. Qu’on doit aider à recoudre tous les morceaux de son
corps désarticulé, tous ces morceaux limpides qui pendouillent comme les
dernières feuilles d’automnes prises dans le vent glacial de l’hiver sans
pouvoir se décrocher de leur propre cercueil.
Aujourd’hui,
j’ai vomis. Ce matin, ce soir. Hier soir. J’ai trop dormi, même si cela a
complètement restauré mon corps. Sans ces treize heures de sommeil, je n’aurais
pas été capable de me rendre au travail aussi bien habillée, peignée et
maquillée. Je me serais traînée en pantalons avec un semblant de confort et en
t-shirt qui me réconforte. Je me suis mise en belle robe que personne n’avait
encore vue au travail. Sauf Madame Sœur et Monsieur Pretty Boy. C’est une très
jolie robe grise et noire que je devais porter sous un châle noir pour
respecter le code vestimentaire du boulot où on ne doit pas voir les épaules. J’ai
rougis sous le torrent de compliments. Je me suis aussi sauvée le plus possible
de lui, ne voulant pas qu’il voit mon désarroi… mais qui puis-je duper avec ce
petit minois de femme abusée ? De petite
poupée terrorisée et atrocement seule ? Personne, pas même moi-même. J’aimerais
ne rien ressentir ou ressentir moins, être vilaine et me moquer de lui,
répandre toute la douleur qu’il m’a causée sur tous les toits, en dire plus qu’il
en faut et… j’arrête-là. Je ne suis pas une vilaine petite fille. Je ne suis qu’une
petite poupée blessée, malade à la vue d’un simple jeune homme. Même penser à
lui me rend malade.
J’ai
pourtant réussi à passer la plupart de ma journée à l’entendre, rager d’écouter
sa voix charmante qui m’accroche, là, à l’apex et me supplie de lui parler, de
faire n’importe quoi pour le ravoir. Mais ça ne se passera pas comme ça. Pas si
j’ai un mot à y dire et j’ai même tout un monologue à présenter sur ce sujet !
C’est ma vie, personne ne va la diriger. Que moi et je ne veux pas que mes
sentiments ruinent cette image que je me suis fait de moi-même. Je ne veux pas
qu’il me voit comme je me vois parfois. J’aimerais être plus forte que ce que
je suis, mais je n’y arrive pas. Surtout pas du jour au lendemain. C’est vrai,
quoi, je peinais à soutenir son regard. Je devais déplacer le mien, m’enfuir. M’enfuir
loin. Je suis inconfortable lorsqu’il est tout près. Je sais ce que ses mains
sont capables de faire, je sais exactement ce qui se cache sous ses vêtements
et j’ai envie de m’y coller et de me laisser bercer par mes envies qui me
brûlent le bas-ventre depuis plus longtemps que je ne me le permets. Il m’a
souri, j’ai plongé tout mon attention sur ce que mes mains faisaient et j’ai
foncé devant moi, mettant le plus de distance possible entre nous deux. Je suis
certaine qu’il tentait d’être gentil, je ne sais pas s’il connait l’étendue des
dégâts, s’il me hait, s’il a envie de mon corps, s’il me respecte… J’aimerais
qu’il connaisse la réponse à tout cela, mais je ne suis pas certaine de vouloir
apprendre ses réactions face à moi, face aux mensonges que je lui ai promis.
Non, je ne peux pas promettre que je ne me fâcherai pas, que je ne serai pas
triste, que je ne ferai plus de crise d’anxiété. J’ai voulu faire ces belles
promesses avec le seul but qu’il me rassure, qu’il y croit plus que moi j’y
croyais… mais il est plus intelligent que cela et je dois le remercier, un
jour, pour cela.
Je nous
aurais ruinés plus qu’autre chose. Je suis incapable de contrôler mes émotions
pour le moment, c’est pourquoi je me suis résignée, pour mon propre bien, de m’inscrire
à des thérapies, à me faire déclarer plusieurs maladies mentales, à me faire dire
que je serai sous médication toute ma vie alors que je ne veux qu’être normale…
Les souhaits des adolescents ne devraient jamais être exhaussés. Ils ne savent
pas dans quoi ils s’embarquent, ne savent pas ce qui est logique, rationnel.
Tout est trop extrême… Alors lorsque j’ai souhaité d’être différente, d’être
malade, d’avoir des problèmes pour de l’attention, je n’étais qu’une petite
fille, seule, brisée par la lourde charge de la vie et de la mort, de la
maladie et de la survie après les autres.
Mais je
veux m’améliorer… Je veux pouvoir gagner les cœur d’autrui et qu’il veuille
bien garder le mien. For better or for worst.
Mme Je
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