J’avais
envie d’écrire. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai eu cette sensation que je
devais le faire, que c’était primordial. Je me suis donc assise en indien sur
mon lit, portable en main, et j’ai écrit. Je ne sais pas combien de temps avec
mes écouteurs bien enfoncés dans mes oreilles pour ne pas entendre un seul mot
à l’extérieur, ne voir que mon écran dans le noir, dans la mi obscurité, dans
la lumière. Je ne voyais rien que mon écran, que mes mots… mais quels mots ? Je
ne me souviens même plus ce que j’ai bien pu écrire, pendant tout ce temps,
comme si je m’étais perdue, que j’avais écrit pendant je ne sais combien de
temps et que, dans un moment lunatique, j’ai tout supprimé. Tout mis blanc sur
blanc sans pouvoir changer la police. J’ai mis la taille des lettres si petite
que je n’en vois que des poussières. Et maintenant mes doigts tremblotants,
faibles, effrayés, tristes tapotent l’écran, incapable de tout simplement la
frôler, la flatter avec amour désespéré puisque trop sous le choc. Des larmes
coulent le long de mes joues rosies par l’émotion, coulent de mes yeux vides et
froids, laissent de chaudes marques humides sur ma peau moite. Je sanglote en
silence pendant un moment, ma peau si blanche sous un soleil si rayonnant
éclate presque sous le contraste de ma robe cerise. Petit chaperon rouge qui se
promène dans la forêt si noire, si sombre. Si noire et sombre. Avec ses ronces
qui tentent de me déchirer, de détruire ma pauvre robe, lacérer mes yeux
puisque j’ai vu, puisque j’ai su me tenir droite dans ma jolie robe de petit
chaperon rouge. Maintenant, je suis nue, couverte d’écorchures, les mains
devant mes yeux intacts et je sanglote.
« Shhh…
Ne pleurs pas… »
Je sursaute
alors que je sens quelqu’un derrière moi coller son corps au mien, m’enlacer de
ses bras réconfortants et forts, mettre son visage dans le creux de mon cou
alors que je sanglote toujours en silence, les mains devant mes yeux, les
doigts quelques peu écartelés, de chaudes larmes coulant le long de mes joues,
de ma mâchoire, de mon cou, contre ma poitrine, entre mes seins. Semble-t-il
que je pleurais ainsi depuis un bon moment déjà.
« Quelle
heure est-il ? »
La personne
redresse la tête et fixe quelque chose juste devant nous. Mes mains retombent
le long de mon corps qui devient soudainement très mou, très faible. Je me
laisse bercer dans ses bras alors qu’il me bisoute la nuque, nous place
confortablement. Je reste dans ses bras et fixe l’heure.
« Depuis
quelle heure écris-tu ? »
Je savais
ce que cette question voulait dire. Je n’écrivais pas vraiment, j’étais partie
dans mon monde, dans un monde lointain, un monde de douleur, de vérité, de
noirceur. Mon monde à moi duquel je suis incapable de me sauver, prise par
cette folie passagère. C’est pour cette raison que je suis aussi faible, que je
suis molle dans ses bras forts me supportant. Parce que je suis restée dans
cette position toute la nuit. Je n'ai pas flanché, mon écran non plus. C’est à
croire que je l’empêchais d’aller en mode veille comme je m’empêchais de voir
le monde avec d’autres yeux que les miens. Peut-être plus humains.
Le matin.
Que faisait-il ici le matin ? Je tournai un regard triste, perdu vers lui,
l’implorant d’être ma bouée de sauvetage, m’excusant d’être un tel fardeau, de
lui avoir imposé cela en si peu de temps. Vis, vis pour moi. C’est ce que je
lui demandais. Et il le faisait sans rechigner. Il reste à mes côtés, est ma
bouée de sauvetage, mon gilet de sauvetage aussi par moments, mon exutoire, mon
antidépresseur, mes prescriptions. Il
est tout et tient son rôle avec brio. Je remarque finalement un sac au pied du
lit et pose un regard fatigué –mais intrigué- sur ce qu’il semble contenir. Je
souris doucement et il répond à mon sourire, se penche par-dessus mon corps
inerte et m’embrasse délicatement de ses lèvres minces. M’embrasse d’une
manière que seul lui en est capable, dans toutes les positions possibles, peu
importe ce que mes lèvres font. Il se redresse et m’étend doucement sur le lit,
me répétant sans cesse que je devais me lever et me préparer. Il prit mon
portable et le mit sur mon bureau, le fermant, venant s’étendre le long de mon
petit corps, me disant des mots si doux sans émettre un seul son. Seules ses
lèvres eurent l’audace de me murmurer ces mots durant un de mes états tel que
là. « Je t’aime ». Une de ses mains défit tranquillement, doucement,
avec amour, les boutons de ma robe, venant ensuite glisser ses mains sur mon
ventre, mes côtes, mes épaules, glissant le tissus de ma beau de lait.
J’entrouvris mes lèvres pour protester et il déposa un rapide baisé sur mes
lèvres puis se redressa. Mon corps suivit le sien instinctivement, ne voulant
pas se retrouver seul avec lui-même.
« Habille-toi,
on sort ! »
Me levant,
la robe tomba en caressant ma peau. Je me débarrassai rapidement de mes
sous-vêtements et le rejoint dans la salle de bain où il me lança rapidement
des vêtements. La texture me semblait différente et je vis entre mes doigts mon
maillot de bain. Heureuse, je m’accrochai à son cou pour l’embrasser avec amour
et il me repoussa doucement par les hanches, me laissant un peu d’intimité pour
m’habiller. J’enfilai mon maillot et mit une petite robe d’été tube noire en
dentelle avec un jupon jaune en-dessous. Il aime bien cette robe. Elle est
courte, mais je m’en vais à la plage, je m’en vais me pavaner en moins de
vêtements que j’en porte habituellement quand je vais me coucher. Moi, j’ai
hâte de le voir se pavaner, je suis surexcitée d’aller m’amuser dans le sable
et l’eau ; aller à la plage est tellement magique lorsqu’on est bien
accompagnés… Il me prit par la main et m’entraîna hors de ma tanière,
m’entraîna au soleil, m’entraîna vers un pays de bonheur que je ne connais
qu’avec ceux que j’aime. Surtout lui, mon Monsieur Pretty Boy…
Le soleil
était fantastique. Juste assez chaud pour se jeter dans l’eau trop glacée pour
moi et rigoler parce qu’on se pousse pour que l’autre ait plus froid, qu’on
s’envoie de l’eau dessus pour taquiner et qu’on rit, qu’on rit aux éclats sans
plus jamais vouloir cesser de rire. On rit tellement qu’on en a mal aux joues,
mal aux côtes, qu’on en tombe dans l’eau, qu’on crie de plus belle, qu’on rit
de plus belle. Ce n’est pas la plus belle plage au monde, loin de là. Elle est
quand même polluée avec tous les feux d’artifices qui se font projeter de son
lit, avec le casino juste sur le bord rocailleux, en pleine ville, mais il est
charmant avec sa verdure, ses pistes cyclables et son accessibilité. Ses
terrains de volleyball sablonneux, ses tables de piquenique pour se reposer. Nous
avions fait de tout : nager, se chamailler, jouer dans le sable, se courir
après, jouer à Marco Polo, jouer au volley, se reposer au soleil pour se
griller les foufounes, se reposer à l’ombre avec un breuvage froid pour se
rafraichir. La journée était merveilleuse, j’en avais oublié tout le reste, je
n’avais d’yeux que pour lui, que du plaisir au cœur. C’est avec joie et
épuisement que je l’ai suivi à sa voiture, qu’il s’est dirigée, main dans la
main, vers sa voiture, me lançant des petits coups d’œil tendres une fois de
temps en temps derrière ses lunettes de soleil en plastique noir et vert.
Durant tout le trajet, il me flattait le revers de la main du pouce et moi je
lui jetais quelques regards gênés sous ses attentions, des regards
incroyablement amoureux puis je détournais la tête pour regarder le paysage,
écouter sa musique qui me plaît de plus en plus.
Une fois à
domicile, il n’y a personne. Nous sommes seuls. Il stationne la voiture,
déverrouille la porte d’entrée sur le côté de la maison et me tire à
l’intérieur. Moi et mon superbe talent d’acrobate m’écrase contre son torse
alors qu’il me prend le visage entre ses grandes et fines mains pour
m’embrasser passionnément. Je me redresse pour répondre au baisé, submergée par
sa fougue. Nous avancions à tâtons, déposant nos sacs en chemin vers sa
chambre, bras dessus, bras dessous. Ma respiration se fait plus rapide ; j’aime
sa spontanéité, j’aime la force et l’entrain avec lequel il me dirige.
Fermement, il m’agrippe par les cuisses malgré mon gémissement de protestation
et me prend contre lui, fermant sa porte de chambre en m’y appuyant alors que
j’approfondis le baisé avec un soupire de plaisir, mes mains s’emmêlant dans sa
chevelure châtaine. Il recule un peu maladroitement –avec mon poids sans savoir
où il mettait le pied, c’était très normal. Même qu’il a dépassé mes attentes.
Quoique ça reste sa chambre et une distance d’à peine deux mètres- et s’assoit
sur son lit, se baisse en position couchée alors que mon corps suit habilement
le sien, écartant encore plus les cuisses pour le laisser se placer
convenablement et confortablement sur son lit. Il glissa rapidement ma robe
par-dessus mes épaules, interrompant notre baisé passionné pendant que moi je
laissais glisser mon corps, ma peau, contre lui, comme un chat qui recherche la
chaleur sans cesser notre intense baisé. Ses mains glissèrent avec envie, avec
tendresse, contre ma peau soyeuse, contre le peu de tissus qui recouvrait mon
corps chaud. Ses doigts vinrent finalement rejoindre un des nœuds qui tenait ce
maillot contre ma peau, enserrant mon corps dans une caresse infinie de lien
tissé. Il tira avec délicatesse sur le fil retenant mon haut alors que je
terminais notre baisé pour plonger mon regard dans le sien, ce regard bleu, si
vaste, plus bleu que chartre. J’ouvris mes lèvres pour lui dire ce que je
ressentais, voulant lui démontrer la montagne d’affection que je voulais lui
offrir, mes lèvres formant parfaitement les mots, mais aucun son ne sortant de
ma gorge. Je savais que quelque chose n’allait pas alors qu’on se laissa un
regard surpris, presque effrayé. Il me repoussa doucement et moi je me
redressai vivement, surprise, effrayée…
« C’est
le temps de prendre votre médication. »
La voix
douce et patiente de Mme Infirmière Rouge me ramena à la réalité alors que je
soufflais difficilement, effrayée, surprise, ne comprenant rien. Elle sourit,
désolée, et s’excusa, m’expliqua qu’elle a essayé d’y aller doucement et de ne
pas me brusquer. Je sais qu’elle est douce. Je me recouche, m’étant redressée
sous le choc. Je ferme les yeux et lui explique que ce n’est pas grave, que cet
endroit me cause un certain stress et que je me réveille toujours en sursaut, c’est
immanquable dans cet endroit. Je ne peux faire autrement. Je lui tends mon
bras, chassant les larmes de mes yeux alors que Mme Infirmière Rouge ne me
regarde pas par respect, voyant mon désarroi. Elle prend ma pression, ma
température et mon pouls. Elle me laisse ensuite un petit pot avec ma
médication et attend que je la prenne avant de partir. Je bois le verre d’eau
au complet, sentant le liquide glacé envoyer d’autres frissons sur ma peau
brûlante. Je faisais un peu de fièvre, pas beaucoup. De la fièvre que je me
suis créée moi-même avec cette utopie. Impossible… je ne pourrais être aussi
heureuse. Pas ici. Pas maintenant. Pas avec ce qui trotte dans ma tête, cette
noirceur qui me gobe le cœur, qui meurtrit mon âme. Qui me lacère et me lapide
depuis trop d’années de ma courte vie. On a beau me dire que je suis encore
jeune, mais je ne me vois pas continuer une vie ainsi, sans voir mon avenir,
sans savoir si je vais réussir à faire quelque chose de bien un jour. Je ne
peux me permettre de si beaux rêves quand tous les autres ont été impitoyablement
écrasés par la réalité et la vérité.
Oh,
Monsieur Pretty Boy, comme j’aimerais te serre dans mes bras… mais je suis dans
le noir, le noir total et le seul son m’accompagnant en cette nuit orageuse est
le son lointain de la pluie tapant sur les fenêtres inexistantes dans ma
chambre, le son des appareils de santé, l’agonie de mes compatriotes. J’aimerais
recevoir la douceur, le bonheur que tu m’as fait ressentir dans un si beau
rêve. Mon rêve. Mon rêve de passer des beaux moments avec toi, Monsieur Pretty
Boy, de passer une vie pleine de joies et de jeux. Une vie spontanée, une vie
avec toi. Montre-moi à être heureuse, je t’en prie ! Car sinon, prochainement,
il ne restera plus rien à récupérer de moi. Je ne serai plus qu’un petit tas de
cendre et de morceaux de verre brûlé, car mon cœur n’est fait de pierre, mais
bien de verre. Il est fragile et a été brisé tant de fois qu’il en manque
quelques morceaux tels que mon innocence, mon sourire, mon bonheur… J’espère, Monsieur
Pretty Boy, que tu seras capable de rapiécer ces morceaux égarés, car j’aimerais
ne pas sombrer et vivre ton bonheur, mais je n’en suis point capable. Plus
maintenant. Tout est noir, maintenant, Monsieur Pretty Boy, tout…
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