Il y avait cette journée d’activités organisée par
le boulot. Je me suis dit : pourquoi pas? Je ne ferais rien de mieux, chez
moi, à perdre mon temps, fixant un écran d’ordinateur sans vraiment le voir.
Faire le genre d’activité qui ne demande aucune présence mentale. J’en ai
marre… même si je ne suis pas tout à fait bien, j’en ai marre d’être cloîtrée
chez moi sans contact humain avec seulement M. Doctor, Mme Belle et Mme Whoopy
comme compagnie. Ils ne veulent pas toujours de contact humain, eux. En fait, seulement
Mme Whoopy quémande de mon attention. Et je suis plus qu’heureuse de lui
en donner!
Je m’habille donc d’un simple t-shirt mauve avec
deux pokémons Mew qui font la danse de fusion de Dragon Ball, d’une paire de
jeans-shorts et de sandales. Très confortable. Je me peigne les cheveux et les
place sur mon épaule gauche pour avoir moins chaud. Je prends ma sacoche et je
sors, embarquant dans ma nouvelle voiture d’un jaune lime éclatante et démarre
le moteur turbo. Je souris. Je suis fière de ma voiture, obtenue grâce à M.
Frère et M. Père. Je recule et descends vers la rue où je m’engage en chantant
à tue-tête un peu de Blink 182. Je me rends à destination et il y a beaucoup de
gens, dont énormément d’employés, que je ne connais pas. C’est dans une école
secondaire du coin, donc je me connais un peu. J’entre et me fais arrêter par
plusieurs personnes qui m’arrêtent pour prendre de mes nouvelles. Je souris, je
leur dis que je vais bien – ce n’est pas tout à fait vrai, mais je ne veux pas
me faire poser trop de questions — et je précise que je ne sais pas quand je
serai de retour. Il y a des verres de jus gratuit à volonté et l'on peut
s’acheter des breuvages de notre choix, alcoolisés pour la plupart, car le jus
et la boisson gazeuse sont gratuits. Je vois plusieurs personnes déjà sous
l’effet de l’alcool et d’autres qui dansent au son de la musique. Il y a des
structures gonflables à l’extérieur, autant pour les enfants que pour les gens
de mon âge qui se font un plaisir à essayer d’être le plus rapide à sortir. On
rit et l'on parle un peu partout, l’atmosphère me plaît. Je continue de sourire
et de dire bonjour à quelques personnes.
— Hé, tu m’ignores ou quoi?
Je me retourne pour faire face à la personne qui me
parle. C’est Monsieur Jeleveux. Je suis surprise de le voir et grimace un peu
en même temps de me forcer à sourire. Il faut que je garde mon image de jeune
femme zen, voyons! Lui est de tout sourire, une boisson alcoolisée à la main.
— Je ne t’avais pas vu. Ni entendu d’ailleurs.
— Ah, c’est pas grave. Il faut dire que je suis
étonné de te voir.
— Ah oui?
Je fronce des sourcils; devrais-je être insultée
(probablement pas, parce que c’est pas méchant, mais ça vient de lui) parce que
je semble être un ermite ou bien flattée par son sourire, car il semble heureux
de me voir ici. Son sourire s’efface un peu alors qu’il remarque mon regard et
change de pied sur lequel se poser, mal à l’aise.
— Bien, tu sais, c’est une activité organisée par
le travail… et je sais pas si les gens d’en haut vont aimer ça…
— Je ne sais pas et je m’en fiche un peu. Ils
demanderont à mon médecin et il va m’appuyer que je dois sortir une fois de
temps en temps. Et c’est bien de revoir des collègues, de rencontrer les
nouveaux, car je vais être moins intimidée en revenant.
— Ah oui, t’as raison.
Il sourit, un peu mal à l’aise d’avoir mis un peu
de tension entre nous deux. Je regarde autour, ses amis me font un coucou de la
main alors que mon regard se pose sur eux. Je leurs fais coucou et un sourire
timide. Ils me sourient et retournent à leur conversation. J’ai comme un petit
pressentiment qu’ils discutent de nous. Voyant que je commence à perdre
intérêt, M. Jeleveux se relance :
— Tu bois du jus? Tu veux que je te paie un drink?!
— Je sais pas…
— Allez, ça me fait plaisir! Tu veux quoi?
Il s’avance vers le « bar » et je le
suis, gênée. J’aime me faire donner des cadeaux, mais je n’aime pas qu’on
dépense de l’argent sur moi. Compliquée n’est-ce pas? C’est probablement parce
que je n’ai pas beaucoup d’argent moi-même et que je ne peux probablement pas
rendre la pareille. Pas en ce moment, en tout cas. Alors que c’est notre tour
pour commander, je regarde la personne devant moi avec de gros yeux.
— Tu veux un Bloody Ceasar comme moi?
— Euh, bahh… oui…
Ce fut presque un murmure. Il rit un peu et hoche de
la tête à la personne qui fait les mélanges et me tend un verre dont le tour
est recouvert de sel de céleri. Je prends une gorgée et souris. C’est très bon!
— Il est moins fort que les tiens, mais merci,
c’est très bon.
— De rien! Tu viens voir le spectacle? Je crois
qu’un band local va jouer dans quelques minutes.
— D’accord.
J’étais déjà plus à l’aise et lui souris de toute
mon âme. Je le suivis et nous étions pas mal les premiers à attendre devant la
petite scène. Je reconnus un jeune homme sur la scène et il me salua, souriant.
Je crois qu’il a eu le coup de foudre la première fois que nous nous sommes
vus. Et pour être franche, je ne me souviens même plus de son nom! Il était
probablement un technicien en son ou je ne sais quoi, car il finissait l’installation
des équipements et plaçait le tout au bon endroit. Une voix se fit entendre
pour introduire le groupe et celui-ci arriva d’un pas plein d’énergie et
commença immédiatement à jouer leurs instruments et chanter. Je ne connaissais
pas, mais c’était un groupe de rock/métal doux j’imagine. C’était bien.
Rapidement, nous nous fîmes entourer de gens venant écouter la musique et voir
le spectacle. Je sirotais mon breuvage tout en regardant le chanteur. Tout d’un
coup, son regard se posa sur moi et il sourit, se mit à un genou, jouant de la
guitare et chantant sa chanson d’amour… pour moi? Il était là, sur un genou, un
sourire charmeur aux lèvres et chantait penché vers moi. Je vis M. Jeleveux
geler sur place et moi, je devins blême. Il continuait de se pencher et n’était
qu’à un pas de moi. Paniquée, je m’enfuis à pas rapides. J’entendis M. Jeleveux
m’appeler, mais j’étais plus vite que lui et me faufilai hors de la grande
pièce et tournai plusieurs coins pour perdre, peu importe qui voudrait bien me
suivre. Une classe avait la porte ouverte et je m’y réfugiai en silence,
déposant mon sac sur le pupitre.
— Il me semblait aussi que je t’ai vu t’enfuir.
Je sursautai bruyamment et me retournai pour voir
le jeune homme dont je n’arrivais pas à me souvenir du nom. Il me souriait,
amusé. J’étais probablement pourpre tellement j’étais nerveuse et gênée et dans
tous mes états. Je serrai mon sac contre moi et accrochai mon verre dans mon
mouvement incertain. Il se renversa sur le pupitre, le sol et un peu sur moi.
Je lâchai un juron et il vint rapidement m’aider armé d’essuie-tout. Je le
remerciai en un souffle et épongeas mon ventre pour enlever le Clamato de mon
chandail. Au moins, j’avais une bonne raison de partir!
— Il te trouve de son goût, tu sais.
Ah, mais quelle façon de briser le silence! En me
rendant plus inconfortable et gênée que je ne l’étais déjà! Je serrai
l’essuie-tout humide et rouge dans ma main et détournai le regard.
— D’accord.
— Tu devrais lui laisser une chance, il est
vraiment gentil. Je suis certaine que vous allez bien vous entendre.
Je rougis et regardai le bout de mes pieds. Il
avait tout ramassé. Je revis soudainement la scène dans ma tête : il était
grand, mince, mais un peu costaud, avait de longs cheveux blond cendré en dreadlocks,
des yeux bleus étincelants, comme le bleu de la mer, une barbichette, un
piercing au septum, de larges mains comme celle d’un homme qui vit du labeur de
ses mains. Il portait un t-shirt noir avec le logo de son groupe de musique et
un jean noir un peu délavé. J’avais même remarqué qu’il portait une bague en ce
qui me semblait être du tungstène sur son majeur droit et un large bracelet de
cuir sur son poignet gauche. Je me surpris à sourire et se fit ricaner le jeune
homme dans la pièce qui m’avait observé alors qu’il jetait les papiers
souillés.
— Donne-lui une chance. Va prendre un café avec lui
après son spectacle.
— Peut-être, oui…
Il fit un signe de la main victorieux et disparut,
sortant de la pièce avec un étui à guitare. Je ne savais pas quoi faire, donc
je sortis de la pièce. J’avais besoin d’air. Je sortis derrière l’école, dans
la cour pavée et m’assied un peu plus loin, directement sur le sol. Je fis le
tour de Facebook, d’Instagram, de mes courriels et envoya quelques messages
textes à une amie pour raconter ce qui s’était passé. Elle n’en revenait pas et
était très heureuse pour moi.
— Je savais que tu ne pouvais pas résister mon
charme.
Je sursautai et levai les yeux pour voir mon prince
charmant, debout devant moi. Je rougis, ce qui le fit rire de plus belle. Il me
tendit la main et m’aida à me lever pour ensuite baiser ma main en me regardant
droit dans les yeux. Je détournai le regard, incapable de soutenir son regard
embrasé, passionné. Je n’allais pas m’ennuyer!
— Tu es mignonne quand tu es gênée, tu le savais?
— Non…
Bon, me voilà sans mot, moi qui savais toujours
trouver la bonne réplique, habituellement! J’étais complètement maladroite et
gênée et… sous le charme. Il était très beau, avait ce charme, une aura qui me
plaisait. Il ne me quittait pas du regard et je finis par sourire, ne le
regardant que du coin de l’œil.
— Tu vas me fixer toute la soirée ou quoi?
— Oui et plus encore!
Je gloussai et remarquai qu’il tenait toujours ma
main dans la sienne. Il m’entraîna avec lui, marchant dans la cour sans but
précis, juste pour être en bonne compagnie et ne pas me laisser dans mon petit
coin. Je me sentais vraiment bien et confortable avec lui, donc je le testais
en montant ma main pour le tenir plus près de moi, par le biceps. Il semblait
heureux et c’est à ce moment, en levant la tête pour le regarder dans les yeux,
que je remarquai qu’il faisait au moins six pieds! Un beau mètre quatre-vingt,
comme je les aime!
— Tu es très belle, tu le sais?
Il me regardait à nouveau et nous arrêtâmes de
marcher, notre regard s’étant croisé et ne voulant plus se quitter. C’était le
coup de foudre, autant pour lui que pour moi et je me sentais comme si je le
connaissais depuis des années. J’étais si bien, si confortable en sa présence,
sentiment que je n’avais pas ressenti depuis presque un an déjà…
— Tu es très charmant, tu le sais…
— Oui, on me le dit souvent.
Je ris à cette remarque narcissique et puis fermai
les yeux, remarquant que je sentais son souffle à la senteur de menthe contre
mon visage…
Mais ne sentit rien. J’ouvris les yeux et vis que
du blanc. Je baissai le regard et discernai entre mes cils collés que j’étais
dans mon lit.
— Non…
Je me débattis contre mon édredon et m’assied toute
droite dans mon lit, regardant partout autour de moi. Je tâtai mon lit même, stupéfaite
et en colère.
— Non!!
Je ne voulais pas que ce soit un rêve! Je ne
voulais pas que ce ne soit qu’un rêve! Je voulais le revoir! Je fermai les yeux
et tentai de me rendormir, mais mon cœur était si affolé qu’il me le permit. Je
soupirai, sur le bord du sanglot. C’est bien seulement qu’à moi que cela peut
arriver. Que je fasse un rêve si réel, que le temps s’écoule comme si j’avais
réellement passé une soirée entière à cet évènement organisé par le travail
(comme si le travail organisait ce genre de soirée!).
Je suis découragée. Il y a bien que seulement dans
mes rêves que je vais rencontrer un homme aussi parfait qui soit autant en
amour que ce grand blond l’était avec moi. Je me recroquevillai sur moi-même et
sombrai dans un sommeil léger, peuplé de mon propre désarroi et ma solitude
maintenant palpable. Je suis si désespérée que je me rêve un homme parfait
parce que je n’en ai pas dans ma vie…
Seulement moi. Il y a seulement moi qui peux tomber
éperdument amoureuse dans mes rêves et souhaiter que la réalité s'estompe pour
laisser place au monde de mes rêves et mes rêves seulement. Je veux retrouver
cet homme parfait et je veux que mon rêve devienne réalité… Donc en attendant,
je vais rester chez moi et attendre que la déprime me quitte pour revoir mes
amis et leur raconter comment je suis désespérée…
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