Me voilà
prisonnière de ce donjon. Je n’ai aucune issue, je n’ai aucune arme pour me
défendre, je suis seule au monde et personne ne me cherche, car ils m’ont tous
abandonnée… Je suis là, attachée au mur par mes poignets en sang et, oh, comme
ça fait mal! Je sanglote en silence, ne voulant pas attirer l’attention de mes
bourreaux alors qu’ils préparaient je ne sais quoi encore pour me torturer.
Après m’avoir fait perdre mes amis en les retournant contre moi, ils ont
ensuite retourné le peuple contre moi, comme si j’étais traître à ma nation.
Moi et mon grand cœur, je savais que ça n’allait pas m’amener que du bien!
J’entends des pas dans l’autre pièce, un rire sinistre. Je frissonne, ne veux
pas savoir la suite. Je veux tout simplement fermer les yeux et disparaître…
mais mes yeux étaient grands ouverts. Ils virent facilement ce grand homme
chauve au dos durci par sa posture croche, ses dents noires laissées à pourrir
ainsi que ses larges mains menaçantes et pleines de cicatrices, prêtes à me
faire subir toutes sortes de torture que pour son propre plaisir. Il vint
s’assoir tout simplement sur un petit tabouret devant moi et me fixait. Mes
poignets devraient disloquer d’un moment à l’autre, ça faisait tellement mal!
Ma grimace faisait comprendre à mon bourreau que de pendre par mes poignets
était un supplice dont je n’allais bientôt plus pouvoir supporter. Je crois que
c’est exactement pourquoi il s’asseyait devant moi. Il voulait voir ma douleur
et s’en nourrir.
Je ne le
regardais pas, je n’en étais pas capable. Je fermais les yeux et laissais ma
tête pendre contre ma poitrine, mes larmes mouillant ainsi mon chandail déjà
sale de plusieurs jours. Mon état m’écœurait. Pas seulement ma douleur, mais ma
puanteur et mon manque d’espoir aussi. Je m’abandonnais à eux, n’étais plus
qu’une petite boule maigre de famine et de désespoir. Je ne bougerai plus. Je
n’ai même plus envie de me sauver. Je veux que tout cesse, donc je ferme les
yeux…
Un
craquement de fouet me fit sursauter. Les yeux grands ouverts, je regardais
sans comprendre la scène qui se déroulait devant moi. J’étais haute, au niveau
du plafond, dans un coin de la pièce. J’étais incapable de bouger ou de sentir
mon corps… mon corps! Je me regardais d’un coin sombre de la pièce! C’était
bien moi qui avais sursauté et qui regardais avec effroi l’homme armé d’un
fouet s’approcher de moi… mais je me regardais. Je me regardais supplier la
personne qui tournait autour de moi de ne pas me faire de mal, de faire preuve
de pitié, car je n’en pouvais plus. C’est aussi le genre de réaction que je
pourrais avoir, mais je ME REGARDE! Je ne dis pas ces paroles, je ne ressens
pas ces sanglots secouer ma poitrine, mais je le vois, je sais que c’est moi,
mais je suis ici dans un coin de la pièce, haute pour pouvoir tout voir sans en
manquer une miette. Je ne sens rien, physiquement. J’ai envie de me débattre et
d’essayer d’aller m’aider, mais je ne semble pas avoir de corps… je ne le sens
pas du moins, si j’en ai un. Alors que l’homme armé est derrière moi, il lève
son fouet en riant de plaisir et abat le fouet…
— Aoutch!
Je ne pus
m’empêcher de crier à tue-tête et plaquer ma main contre ma bouche par la
suite, car il faisait noir. C’était la nuit! Je me retourne et c’est Monsieur
Jeleveux qui me regarde d’un air fatigué, mais surpris et quelque peu irrité.
— Tu me
plantais tes ongles dans la peau, tu m’as fait mal…
— Ah, je
suis désolée, je faisais un gros cauchemar!
— J’ai bien
remarqué… Ce n’est pas la première fois cette nuit en plus…
— Je ne me
souviens même plus de mon cauchemar…
Il s’était
déjà retourné et rendormi. J’étais couverte d’une mince couche de sueur froide,
mais je brûlais. Je me retournai donc de mon côté aussi, me recroquevillant en
petite boule encore terrifiée sous mon épais édredon. Je me mis à penser à cent
mille à l’heure, m’étourdissant et m’effrayant encore plus. Je gémis et enfouis
aussi ma tête sous la couverture. Je reniflai… eh bien. Je pleurais vraiment.
Comme dans mon rêve, mon chandail au joli petit minou était trempé de larmes et
de sueur froide. Justement, j’ai froid maintenant! Je grelottais sous les
couvertures. Je n’avais pas la force – ni le courage — de me retourner et me
coller contre Monsieur Jeleveux. De toute manière, je me trouvais assez
dégoûtante que je n’avais pas envie de me coller sur lui et lui faire sentir
mon corps puant et moite. Bon, puant, je ne sens pas vraiment quand je suis
dans tous mes états, mais on ne sent pas une odeur qui est nôtre non plus…
Voilà
l’alarme qui sonne pour me réveiller, me dire d’aller me préparer pour cette
première journée de retour au travail. Je grogne toutefois et le mets sur
« snooze ». Je ne me réveille pas tout de suite, oh non! Le cadrant
se mit à sonner une deuxième fois. Puis une troisième. Puis une quatrième… Bon.
Je me lève. Je saute dans la douche, car j’ai très froid! Encore froid! Et
cette sueur froide me colle encore alors que j’ai pourtant dormi au moins
quelques autres heures! Je me rue dans la salle de bain et allume la petite
chaufferette pour nous garder au chaud lorsqu’on sort mouillés de la douche.
J’allumai l’eau, plaçai mon rideau de douche pour ne pas asperger la salle de
bain au complet et, en me réchauffant la main pour mesurer la température de
l’eau, je me rappelle que je ne dois pas prendre des douches chaudes sinon mes
cheveux vont décolorer… Rapidement, je passai sous l’eau et le savon et le
shampoing et le revitalisant pour sortir en trombe et m’enrouler dans mon
énorme serviette duveteuse. Je retournai rapidement me changer dans la chambre
tout en séchant mes cheveux avec une autre serviette. Monsieur Jeleveux, lui,
dormait encore comme un gros bébé. J’essayais de me rappeler mes rêves, mais je
ne réussis point… moi qui, pourtant, me souviens toujours de mes rêves avec une
clarté inimaginable!!
Les gens ne
me reconnaissent pas avec mes beaux cheveux longs mauves, ma belle frange
fraîchement coupée, mes nouvelles fringues et mon 10lbs en moins. Je disais un
petit coucou gêné à mes amis et le reste devra venir voir de plus près qui est
« la petite nouvelle » pour voir que je suis en fait l’employée
revenue d’arrêt qui est chez la compagnie depuis au moins deux ans! Toutes les
conversations que j’avais avaient un certain je ne sais quoi… Je n’arrivais pas
à mettre le doigt dessus, mais tout ce qu’on disait sonnait une cloche!
— Es-tu
prête pour notre rencontre?
J’ai
sursauté si brusquement alors qu’on me tapait sur l’épaule que j’en suis tombée
de ma chaise. Malheureusement pour moi, je suis mal tombée et me suis fait mal
aux poignets. Je me retournai pour voir que tous les employés tout près me
regardaient et que Monsieur Jeleveux, pas si loin, s’était levé pour venir
s’assurer que tout allait bien. (Oui, oui, nous travaillons ensemble!!) Je me
redressai en grimaçant de douleur, tenant mes poignets meurtris. C’était elle.
Celle qui rendait mon travail si difficile. Si stressant. Qui me faisait
redouter ce fastidieux retour. Je forçai un sourire sur mes petites lèvres
roses et hoches de la tête. Elle ouvrit ses minces lèvres tirées pour parler,
mais je secouai la tête avec empressement, me dirigeant déjà vers son bureau.
— Non, ça
va, tout va bien! Allons-y!
Les gens
commençaient à me reconnaître. Ils me pointaient du doigt, curieux, moqueurs et
je vis même des regards remplis de pitié ou de colère en me voyant passer entre
leurs bureaux pour me diriger vers LE SIEN. Elle m’emboitait le pas et ferma la
porte derrière nous. Elle me souhaita la bienvenue au travail, me demanda
comment ça allait, si j’étais prête à recommencer à travailler, qu’elle allait
être là pour moi tout au long de ce retour progressif fastidieux… Moi je ne
faisais que lui montrer un sourire faux, gêné, hochant de la tête une fois de
temps en temps. Je n’aimais pas parler avec elle.
— Tu vas
être dans la salle Porquépix pour tes formations. Tu n’as besoin de personne,
car on va débuter avec de la lecture de ce que tu as manqué ainsi que des
petites capsules de formation en ligne. Parfait?
— Ou-Oui
Madame Black Witch!
Son ton
avait soudainement changé pour un ton vraiment hostile et insistant. Je ne
pouvais dire non à ça. C’était bien trop intimidant! Je pris mon sac à main,
les papiers qu’elle me tendit et me diriger avec empressement vers la salle de
formation dans laquelle j’allais être enfermée pour les sept prochaines heures.
Tout juste
avant de débuter ma pause, Monsieur Formateur-en-Continue entra et me salua
avec chaleur, me disant qu’il était content de me revoir et si bonne forme! Je
rougis, bien sûr, et le remerciai.
— Tu
regardes le beau Note 3!
Je me
retournai vers mon écran où étaient affichées des nouvelles récentes que je
n’avais pas encore eu le temps de lire. Un communiqué annonçant l’arrivée du
nouveau téléphone formidable Samsung Galaxy Note 3 éclairait mon écran. Je
souris et me tournai vers lui avec enthousiasme.
— Oui, exactement!
Je vais me le procurer!
— Ouais,
mais j’ai encore le mien à payer… c’est cher… Mes amis, eux, vont se le
procurer. Je ne pourrai pas rester derrière avec mon « vieux »
téléphone, donc je vais devoir me l’acheter.
Je me mis à
rire de bon cœur avec lui, ça me faisait un bien fou! J’arrêtai soudainement de
rire en réalisant quelque chose… Monsieur Formateur-en-Continue ne remarqua
pas, car sa copine l’appelait de l’autre bord de la porte. Il la laissa
entrebâillée. Je réalisais que j’avais rêvé à ce téléphone. Que je le maniais
dans mes rêves, que je l’avais acheté.
— Oh,
Monsieur Pretty Boy! Tu sais ce que tu devrais faire? Tu devrais l’ignorer
pendant une semaine! Parce que là tu lui cours après et elle dit que c’est
trop. Fais-lui remarquer comment tu es précieux et arrêtes de lui parler, de la
contacter tout court!
La copine
de Monsieur Formateur-en-Continue me vit au travers la porte et me sourit.
— Tu es
d’accord avec moi, n’est-ce pas?
Oui, elle
parlait à moi. La porte s’ouvrit et Monsieur Pretty Boy me vit. Il fut bien
surpris de voir à quel point j’avais changé. Moi qui avais les cheveux courts,
qui avais les cheveux châtains, qui ne portait que des vêtements simples, me
voilà dans un habit chic bleu, ajusté à ma petite taille fine, le chemisier
juste assez respectable pour qu’on remarque ma poitrine sans qu’on n’y voie de
peau. Je ne pus le regarder, mais je savais qu’il n’en croyait pas de ses yeux.
Je souris à celle qui m’avait posé la question et planta mon regard dans le
sien pour ne pas qu’on remarque toutes les émotions qui éclataient dans mon
cœur.
— Tout à
fait d’accord!
Monsieur
Pretty Boy avait une fréquentation amoureuse et… ça ne m’affectait pas! En
fait, je trouvais cela ironique qu’il soit la pauvre victime recherchant l’attention
de l’autre sexe alors que, dans notre cas, c’était moi qui était la petite
catin qui tendait la main et qu’on se moquait en ne présentant que le bout des
doigts…
Les rêves
sont géniaux!!
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