J’ai
découvert ce que goûtait la défaite. J’y ai toujours goûté, évidemment, mais je
n’arrivais pas à mettre le doigt dessus. Ma vie n’est qu’une énorme défaite
dans laquelle je me perds, dans laquelle j’essaie de me retrouver, de trouver
qui je suis réellement. Je ne veux pas être ce qu’on dit de moi. Je ne veux pas
être celle que je dois être. J’aimerais simplement être moi. Pour moi. Je n’arrive
pas à me trouver jolie pour ce que moi je trouve joli. Je n’arrive qu’à voir l’image
d’une société déchue, s’étant écroulée sur elle-même, sous le poids du capitalisme
et d’un masque superficiel.
J’ai
découvert, en ce soir noir et sombre, en cette nuit sans vie, ce que goûte la
défaite. Je l’ai découvert en remarquant que, malgré les innombrables essais de
m’en convaincre autrement, je suis qu’une vile démone. Je ne sais pas ce que je
veux. Je sais seulement que je peux utiliser mes atouts pour obtenir l’ombre de
ce que je désire. Je suis un succube sans merci qui jette tous ceux qui me
croisent à mes pieds. Je ne comprends même plus comment je le fais, mais je
soumets tous ceux qui osent croiser mon regard. Je me mets à être une sale
capitaliste qui n’assouvis jamais sa soif de pouvoir, de contrôle. Je deviens
une vile capitaliste du monde des sentiments. Je veux ressentir autre chose que
de la tristesse, que du désespoir. Je veux ressentir… alors je me jette dans d’éphémères
relations. Je croque les hommes comme je croque les pommes cueillies
fraîchement du verger. Ne vous demandez pas pourquoi je ne m’associe pas
énormément aux femmes ; je n’ai pas autant de pouvoir sur elles. Je sais
exactement quoi dire à qui veut bien l’entendre… J’étudie les gens et je me
concentre sur les plus faibles, ceux dont la volonté est facile à manipuler, à
briser sous mes ongles d’acier et de larmes.
Je ne me
fais plus d’illusions. Je ne crois plus en l’amour ou au destin. Je ne me fais
plus d’illusions. Je ne crois plus au destin ni en l’amour. Je dois me le
répéter dans toutes les langues, de tous les sens possibles, car c’est une
réalité bien difficile à accepter. Toute ma vie, ces deux préceptes de l’humanité
étaient mes anges gardiens, les protecteurs de ma sérénité… mais depuis que j’ai
perdu foi en l’humanité, j’ai perdu le Nord, j’ai perdu la Volonté. J’essaie de
combler le vide qu’on m’a imposé, vide qui ne quitte plus mon être déchu… J’essaie
de combler ce vide avec des biens matériaux, des sorties sans bon sens, des
connaissances enchanteresses, des hommes au cœur d’or.
Je ne m’aime
plus. Je ne me suis jamais aimée. Je n’aime surtout pas ce goût de guimauve
brûlé sur ma langue, qui chauffe ma langue jusqu’au creux de mon bassin, qui me
réchauffe tout entier en un énorme coup de chaleur qui me monte à la tête, qui
m’étourdie, qui coupe toute sensation dans les extrémités. Je n’aime pas cette
femme que je suis devenue. Je n’aime pas celle que j’aurais voulu être, celle
qui a tant d’attention, qui a presque tout ce qu’elle veut, qui réussit à
soutirer tout ce qu’elle souhaite des malheureux qui risquent de croire à ses
belles paroles. Je ne veux pas être celle que je suis devenue, celle que je
voulais être. Je retire mes paroles ; je veux être moi et personne d’autre ! Je
veux réussir à sourire sans avoir besoin de forcer les 17 muscles de mon faciès
pour faire croire aux gens que je suis heureuse, que tout va bien, que je les
apprécie, que je les aime, que je ris de leur blague. Je veux avoir un vrai
sourire, un véritable. Pas un sourire que je vais questionner un peu plus tard,
lorsque la pénombre va s’être creusé un chemin vers mon cœur et l’aura atteint
de plein fouet, cœur si faible et déjà en pièces piétinées par mon propre égo.
Je veux sourire. Je veux sourire par moi-même pour pouvoir sourire par le cœur d’autrui.
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